Ce dimanche 21 novembre a eu lieu, dans la grande salle du centre culturel Prof. Dr Türkan Saylan à Maltepe sur la rive asiatique d'Istanbul, une soirée organisée en l'hommage aux victimes de Dersim en 1937-38.
Sur la scène, quelques bougies...
Dersim est le nom kurde de Tunceli, ville et province située à l'est de la Turquie. En 1935, une loi interdit l'usage du nom kurde et la ville est rebaptisée Tunceli, "la main de bronze".
Dans son ouvrage «Mémoires d’un révolutionnaire arménien», Rouben Ter Minassian évoque les habitants de Dersim, "différents de leurs voisins en raison de leurs croyances et moeurs, au mode de vie traditionnel".
Une des photos visibles également sur la scène
Il écrit qu'ils vivent dans un état de semi-indépendance et qu'ils n'ont pas développé de conscience nationale, que leur religion est un mélange entre le christianisme, le paganisme et l’islam alévi.
Mikail Aslan sera le premier artiste à se produire
La majorité des habitants de cette région sont kurdes et zazas, de confession alévi. Deux langues peu connues du grand public, issues du groupe des langues indo-iraniennes et proches du persan, sont parlées par les Dersimli, le zaza (ou zazaki) et le kirmançki.
Les discours sont très courts, la puissance des mots bien suffisante...
Une image revient toujours, celle de Seyid Riza, de confession alévi, chef kurde de la révolte de Dersim en 1937.
Défenseur de la culture et de la croyance alévies, des langues de la minorité locale (zaza et kirmançki), il revendiquait la création d'un état autonome de Dersim. Capturé en septembre 1937, il a été pendu le 15 novembre 1937 à l'âge de 81 ans...
A droite, Sehid Riza et sa longue barbe
Etre réfractaire aux décisions de civilisation de la jeune République de Turquie n'était pas bienvenu. La rébellion des insurgés se traduisit par une répression sanglante du pouvoir politique étatique durant deux ans et plusieurs dizaines de milliers de kurdes vont ainsi perdre la vie en 1937 et 1938 (entre 20 et 80 000 selon les sources).
Trois illustres artistes zazas ont participé à cette commémoration qui en était à sa 4ème édition, les trois précédentes ayant eu lieu à Avcilar sur la rive européenne.
Züleyha, Ferhat Tunç et Mikail Aslan, trois représentants de la culture zaza
Mikail Aslan, qui vit en Allemagne, jouant du saz depuis sa plus tendre enfance, perpétue avec brio depuis des années la culture zaza à travers le chant et la musique, tout comme son cousin Ahmet Aslan dont un portrait sera publié sous peu.
Mikail Aslan et son timbre de voix très particulier
J'ai découvert Züleyha, à la voix cristalline, qui a travaillé aux côtés de Zulfu Livaneli et a sorti un album avec des titres de son mentor en dix langues différentes.
Züleyha
Des trois artistes présents ce soir-là, Ferhat Tunç est assurément le plus connu et le plus médiatique et je prévois aussi, d'ici quelque temps, d'en publier un portrait. Son talent est immense, tant au niveau musical que vocal, un grand monsieur de la chanson !
Ferhat Tunç, un Artiste avec un grand A
Hormis les aspects historiques et culturels sur lesquels j'ai été amenée à me pencher, j'ai été littéralement conquise par cette musique très belle, ces chansons interprétées dans des langues qui me sont inconnues et reprises en choeur par l'assemblée, une soirée que je ne suis pas prête d'oublier...
Il ne me reste plus qu'à découvrir cette région, ses particularités et ses richesses culturelles...